Portrait de Gilbert LECHARPENTIER – 40 ans de passion vélo-

Gilbert Lecharpentier, 40 ans de vélo ne mettra plus de dossard

Le 25 février a débuté la saison cycliste, comme chaque année, il y a aura des maillots qui manqueront, comme celui de Gilbert Lecharpentier du Team Sud Manche Leucémique qui après avoir mis un dossard pendant 41 ans a décidé de raccrocher, il va falloir se passer de sa bonhommie.

Salle des fêtes de Saint Quentin sur le Homme, le 10 février, le gars de Ronthon a été surpris par une manifestation organisée (clandestinement) par Cécile, son épouse, la boite aux souvenirs s’est ouverte. Sur un mur photos, coupures de presse, les maillots des clubs que Gilbert a porté ,maillot de sélection Manche, maillots de leader retracent plus de 40 ans de vélo passion .Parmi la centaine de personnes présentes, des représentants de ses ex clubs, les ex cyclistes, Benoit Legrix (Vire) qui détient le record de participation au tour de Normandie, Gérard Macé (l’ex pro de la Redoute).Né en 1961, Gilbert a très tôt côtoyé les pelotons dominicaux et multicolores qui sentaient l’huile camphrée. A 12 ans, le soir avec papa Gustave et ses voisins il partait faire un tour de vélo, à cette période il n’y avait pas de portable. Tous les ans à Dragey il y avait une fête communale, et sa course de non licenciés. Gilbert et ses voisins mettaient un dossard, « C’était notre championnat du monde », et le souvenir d’une victoire. Le pied était mis aux cales pieds, tous les week-ends il regardait les journaux pour connaître les communes qui organisaient des courses. A Poilley, à 14 ans il s’est vieilli de deux ans pour participer, il finit 5ème avec les seniors. La famille souhaitant légaliser ses courses, c’est au Vélo Club granvillais que Gilbert a signé sa première licence en 1976.Les résultats ne tardent pas, le jeune Ronthonnais remporte sa première victoire officielle à Montviron. Les podiums se sont enchaînés, en 1979 le granvillais remporte une mémorable victoire, le contre la montre final du trophée des espoirs sur le circuit de Saint-Hilaire du Harcouët sur lequel se sont distingués Marc Madiot, Vincent Barteau. La passion devient dévorante, le licencié de la Monaco du Nord est lucide , il connaît parfaitement le prix à payer pour accéder à l’élite. Souvent seul, par tous les temps, parfois jusqu’à la tombée de la nuit, le dur au mal multiplie les sorties d’entrainement, il ne cesse de penser à l’accession au haut niveau. Les clubs ne tardent pas à déceler les atouts de ce coureur, c’est ainsi qu’en toute logique qu’il était recruté par le célèbre Team Lecoulant, « Toute une époque ».

Gilbert Lecharpentier pas avare de conseils

Devenu coureur première catégorie, cette super structure de l’époque lui permettra de participer à des courses à étapes comme le tour de la Manche. L’élite Normandie, Gilbert va la connaitre quelques années ce qui va lui permettre de participer à toutes les épreuves de l’Ouest de la France, il va notamment participer à des courses de renom comme les plages vendéennes au sein du vélo club du Bocage Vire qui dans les années 2005 évoluait en nationale 2. Dans le microcosme du cyclisme régional, Gilbert Lecharpentier est de la trempe des coureurs qui ne laisse pas indifférent .Doté, d’une excellente science de la course, ce diésel ’’indestructible’’ dans son allure particulière a les moyens à lui seul de ramener un peloton sur une échappée. Le gars de la Manche est connu pour avoir la capacité d’emmener d’énormes braquets, le visage de cette force de la nature reste en permanence impassible comme s’il avait perdu la définition du mot souffrance , de quoi énerver la concurrence et lorsqu’on lui demande comment à 50 ans il trouve encore l’énergie , la volonté , le courage de s’entraîner au quotidien et de courir tous les dimanches , il répond naturellement , « Pour moi , c’est une évidence , un plaisir pour rester dans des conditions correctes. J’ai toujours une âme de compétiteur comme à mes débuts ». Sous les maillots du vélo club de Granville, le vélo club Landellais, le vélo club du bocage Vire, le VC Avranches, le Team Manche Sud Leucémique, Gilbert Lecharpentier peut se targuer d’avoir engrangé de bons souvenirs après tant d’années de compétition. Dans les clubs ou il est passé Gilbert a été désigné capitaine de route, il est vrai qu’il n’a jamais été avare de conseils, pédagogue auprès des jeunes et de ceux qui voulaient l’écouter ; Volonté, courage, dépassement de soi sont des valeurs que Gilbert a véhiculé dans sa carrière, il est de cette trempe de coureur qui ne laisse pas indifférent. Gilbert a disputé au moins 1100 courses ,parcouru 340 000km soit l’équivalent de huit tours du monde, ce long raid lui a permis de mettre dans la musette 51 victoires dont le critérium de la paix à Vire ou il avait été félicité par des vétérans américains présents, 8e au tour de la Manche 86 , la finale du trophée des espoirs en 1979,à cela s’ajoute une centaine de podiums. Gilbert était doté d’indéniables qualités, aujourd’hui le coup de frein est donné, la roue se bloque, il ne veut pas pleurnicher sur son passé, cependant il émet un regret de ne pas avoir quitté sa région pour un grand club alors qu’il avait des contacts (l’ACBB, CSM Puteaux), qui sait il aurait peut être pu intégrer une équipe professionnelle.

Gilbert, c’est comme Humphrey Bogart, un dur au cœur tendre

Gilbert Lecharpentier n’est pas de bois, c’est un constructeur qui a réalisé un vieux rêve forgé prés d’amis lors de la soirée de ses 50 ans, créer un team pour une bonne cause. Ainsi, il a été le fer de lance de la création du team Sud Manche Leucémique, s’il a choisi la leucémie ce n’est pas par hasard. Ce team, Gilbert la construit dans la continuité de sa carrière, copains, et solidarité .A présent, il pratique le cyclisme dans un but précis, aider Manche Leucémie et les malades. « Les premiers tours de roue n’ont pas été simple, c’était l’époque des maillots épais en laine qui piquait, les sorties d’entrainement en solitaire faute de structure », mais l’instigateur garde le nez dans le guidon, l’objectif est à bout de bras.

Gilbert, et son côté chevalier de noble cause

Sa motivation pour le vélo est toujours aussi forte mais est devenue un peu différente au fil des années. En 2015, Gibus comme le surnomme amicalement ses amis s’est fixé un objectif avec son frère Alain ; rallier le Mont-Saint-Michel à Annecy dans un but caritatif, encore une action de cœur de Gilbert. Les Lecharpentier se sont élancés dans une belle aventure sportive et humaine comme la rencontre avec Jean-Claude non voyant qui compte 128 marathons. Dans les mollets un défi de 890 km à 25 km/h et 7697 m de dénivelé. A mi parcours, à Nuits Saint Georges, Gilbert n’a pas pris un coup de pied de barrique mais a rempli son bidon. La prouesse sportive et de cœur, « Avait pour but de sensibiliser le grand public à la lutte contre la leucémie et récolter des fonds pour l’association Manche leucémique » . L’échappée des frères Lecharpentier animés d’une même détermination, s’est conclue au carrefour Market d’Avranches ou Gilbert, cycliste et vice président du club a remis à la présidente Pascale Delorme un chèque de 6115 € destiné à améliorer le quotidien des enfants leucémiques des hôpitaux de Rennes et Caen. Gilbert qui a torturé dix vélos quitte le peloton des compétiteurs mais il va continuer à s’investir au Team, et reste le trait d’union club-Manche leucémique. L’expression "vacciné avec un rayon de vélo" colle au gars de Ronthon pour qui on se demande si une partie du bonheur n’est pas de flâner sur la route puisqu’il compte ne pas raccrocher son engin, il va participer à des cyclos comme Paris-Brest-Paris, Bordeaux-Paris, l’étape du tour et autres épreuves de masse. Le couple Lecharpentier est un couple moderne, avec le consentement de Cécile, pendant 41 ans Gilbert a eu une maitresse, une petite reine qui l’a entrainé dans de folles échappées . L’épouse point rancunière a souhaité que cette soirée ouvre une nouvelle étape d’une passion partagée, avec des amis comme témoins. Allez Gibus, continue de tracer la route, le bonheur en pédalant cela s’entretient au gré du vent, bonne route.

Texte-photos Alain Colombier